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21 février 2010, troisième soirée : Olga Preobrajenskaya
Dans la même rubrique L’enseignement d’Olga Preobrajenskaya Recollections of Olga Preobrajenskaya Présentation Soirée Preobrajenskaya
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L’enseignement d’Olga Preobrajenskaya
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Léonide Massine et Joëlle Mazet sur le plateau du film La Boutique fantasque (1961) |
Tout en m’attachant à garder la pureté de ce que Madame Preobrajenskaya et Atty ont enseigné, mon apport est peut être une science des appuis un peu plus précise. Le pied doit être correctement posé au sol pour bien sentir la rotation du col du fémur et préserver l’élasticité du genou, articulation très fragile. D’ailleurs, plutôt que de dire « tendre le genou », je préfère demander que l’on allonge depuis l’intérieur de la cuisse. C’est à partir du pied et de la position du bassin que l’on va « remonter » correctement le genou.
Madame Preobrajenskaya utilisait beaucoup la 3ème position, position qui a une raison d’être : elle permet de bien placer le corps, le talon dans la voûte du pied opposé. L’en-dehors se fait facilement, le bassin est placé, donc le dos et les bras sont placés. On ne peut demander à un corps non préparé et non conscient de forcer une 5ème collée, qui va déplacer le bassin et mettre en péril l’articulation du genou et de la cheville.
La colonne vertébrale joue le rôle de ressort transmettant le poids du corps au sol à travers les pieds, qui sont comme des oreilles qui écoutent la terre. Si le pied est éveillé, conscient, vivant et fort, la réponse aux exigences de la technique sera rapide et sans entrave.
Réagissant à chaque mouvement du corps, le pied donne l’élasticité voulue afin d’activer toutes les chaînes musculaires de bas en en haut. Cela permet de varier les appuis_ : l’étalement, la propulsion par la voûte, et le repousser des orteils qui donne la rapidité …
Atty donnait une grande importance à la qualité du travail du pied, les réceptions, le brosser à l’ouverture et à la fermeture d’un battement tendu, essentiel pour le chassé, la glissade et l’assemblé. Si l’aplomb se pose correctement sur les pieds, lorsque le danseur est en 5ème on ne peut deviner quelle jambe va se mettre en mouvement.
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Milorad Miskovitch, Rosella Hightower, Georges Skibine, Marjorie Tallchief, George Zoritch autour de madame Preobrajenskaya |
La barre chez Madame Preobrajenskaya durait de 20 à 25 minutes. Le milieu commençait par des dégagés, temps lié, adage. Les enchaînements étaient simples de façon à se concentrer sur la coordination, la fluidité et la justesse. Il n’y a avait pas de poses, que des temps de suspension comme j’allais plus tard le redécouvrir auprès de Leonid Massine. Pas de « jolis » bras ou de « jolies » mains sans raison fonctionnelle. Tout devait être justifié et dépouillé de clichés.
Afin que les jeunes acquièrent la conscience du volume de leur corps se déplaçant dans l’espace, je préfère qu’ils travaillent sans se regarder dans le miroir. Le miroir fausse aussi le regard, qui pour Preobrajenskaya doit toujours à la fois précéder le geste, et le prolonger.
Avoir le regard présent signifie être présent pour les autres. Au milieu, Atty nous faisait faire des enchaînements à deux, à trois pour affûter le regard et le contact. Un travail corporel conscient transforme l’expression du visage du danseur. Quant aux crispations et tensions musculaires, celles-ci sont le plus souvent dues au manque de conscience et d’appuis corrects (pieds, bassin, yeux).
Preobrajenskaya et Atty travaillait dans une globalité cœur/esprit/corps. C’est dans cette succession et cette globalité que le danseur va pouvoir s’exprimer sans que son geste ne se disperse.
Leur concept de la danse excluait tout forçage du corps. D’ailleurs, si je devais dire ce qui a vraiment changé au cours des trois dernières décennies, ce serait que la violence faite au corps a vidé la danse de son sens.
Les bras devaient passer par les positions correctes. Il ne nous était pas permis d’abandonner un pas en cours d’exécution. Elles nous invitaient à être intensément présents et vivants face à la musique : dès les accords de préparation, la danse commence dans l’apparente immobilité pour ensuite utiliser la musique jusqu’à sa dernière note.
Février 2010