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Lauren Anderson en France
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Doris W. Jones (1914-2006), Claire Haywood (1920 ? – 1978)
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Doris Jones et Claire Haywood,
années 1940. Reproduction autorisée par Sandra Fortune-Green, Jones-Haywood School. |
« Trouvant toutes les portes fermées, Doris W. Jones sut les ouvrir pour les générations futures »
Arthur Mitchell créa le Dance Theatre of Harlem en 1968 en réponse à l’assassinat de Martin Luther King, Jr. [1] mais aussi, à l’ouverture fort limitée du monde de la danse classique aux Afro-américains.
Mais Mitchell avait été précédé par Doris W. Jones, dont l’œuvre est inconnue en Europe.
Née en 1914 à Malden dans le Massachussetts, Doris Jones adorait danser depuis sa tendre enfance. Jamais elle n’avait vu une ballerine noire – et cependant, elle se voua d’emblée à étudier dans cet objectif.
« Comment une idée aussi saugrenue m’est venue je ne saurais dire, car nous étions en 1933 et je n’avais jamais vu une ballerine noire. Je me présentai alors à tous les studios. A chaque fois que j’appelais j’arrivais à fixer un rendez-vous car je n’avais pas une voix "noire". On me répondait "Nous sommes enchantés ! Venez donc danser avec nous." Et dès que je sonnais à la porte le ton changeait. Mais les gens étaient suffisamment aimables pour au moins me laisser entrer. Donc je rentrais dans le studio et je regardais, et étudiais absolument tous les danseurs un à un, et chaque méthode ; j’ai lu tous les livres ; j’ai tout mis en pratique sur mon propre corps et puis j’ai appris en enseignant. »
Doris Jones commença encore adolescente à enseigner à des enfants lors des colonies d’été dans le Massachusetts. Tellement douée pour les claquettes qu’elle avait été invitée à partir en tournée avec Bill « Bojangles » Robinson, elle ne partit point car ses parents ne voulaient pas en entendre parler. Cependant elle put échanger ses talents d’enseignante de claquettes contre des cours gratuits de danse classique dans l’un des studios qui l’avait auparavant refusée.
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Elma Lewis School of Fine Arts, fondée par une élève de Doris Jones.
Cliché Thompson, vers 1970. |
Bientôt elle créa une petite école chez ses parents puis en 1933 à Boston, une véritable école, que son élève Elma Lewis allait diriger plus tard. Elma Lewis (1921-2004) devint d’ailleurs un important maître de danseurs noirs. [2]
En 1940 son élève Claire Haywood, avec laquelle elle s’associa alors, la convainquit de partir pour Washington DC. C’est ainsi que la petite équipe établit la Jones-Haywood School of Ballet en 1941. Les premières années furent si précaires que Mlle Jones dut travailler au Bureau of Engraving. L’Ecole proposait aux enfants noirs, dans un Washington qui vivait sous le régime de la ségrégation la possibilité d’étudier la danse classique. Il ne fait pas de doute que la bataille qu’elles entreprirent pour monter des spectacles dans des salles de concert fermées aux Noirs allait contribuer à transformer les relations raciales dans la capitale des Etats-Unis. En 1961, ce duo de dames énergiques fonda le Capitol Ballet, semi-professionnel et issu de leur école, où des élèves avancés pouvaient devenir professionnels - le tout sans la manne financière dont bénéficiait les troupes établies.
Parmi les élèves de Jones-Haywood : les danseurs de Broadway Chita Rivera et Hinton Battle ; le chorégraphe Louis Johnson ; les danseurs de ballet Sylvester Campbell et Sandra Fortune ; les danseurs contemporains Elizabeth Walton (membre de la troupe de Paul Taylor), Hope Clark (membre de la troupe de Donald McKayle) et Renee Robinson (membre de la troupe de Alvin Ailey). Mlle Fortune-Green, aujourd’hui directrice de la Jones-Haywood School, a été la première danseuse noire à participer au Concours International de Moscou.
Doris Jones a été nommée directrice du Programme Danse des Ecoles Publiques de Washington D.C. et a crée des ballets pour le Washington Opera Society et le Washington Civic Opera.
Sources
"They Call Us Two Very Dangerous Women" : Doris Jones and Claire Haywood Build the Capitol Ballet ; synopsis d’une monographie du Dr. Tamara L. Brown, professeur au Département d’histoire, Bowie State University, Maryland ;
Articles du Washington Post, 23 mars 2006 et du New York Times, 4 avril 2006.
[1] Le 4 avril 1968 Arthur Mitchell était à l’aéroport en chemin pour le Brésil, où il venait de fonder la Compagnie nationale de Ballet à Rio de Janeiro, lorsqu’il sut que M.L. King avait été abbatu. « Je me suis affalé sur une chaise et me suis dit – voici que je cours ici et là par le monde pour faire des choses – pourquoi ne ferais-je pas ces mêmes choses ici, aux Etats-Unis ? »
[2] En 1950, Elma Lewis fonda son école, The Elma Lewis School of Fine Arts, à Roxbury, quartier pauvre de Boston, puis le National Center of Afro-American Artists (NCAAA) en 1968.