26 juin 2010
« Tout d’abord, écrit Volkova sur la technique d’allegro, à aucun moment le danseur ne se tient sur les deux pieds … Le poids du corps se déporte déjà sur l’un ou l’autre pied en fonction du pas qui va suivre, [afin que le danseur se déplace] d’une position à l’autre avec célérité et précision, et donc avec la plus grande économie. » Mais veut-elle réellement dire que le danseur doive être planté sur une seule jambe ? Aujourd’hui, il est plus que probable qu’un danseur dans la branche dite « classique » de la profession comprendra à la lecture de ces notes de Volkova qu’il s’agit effectivement de se tenir sur une seule jambe, tout en déportant le poids du corps vers l’avant du pied – vers les métatarses – ce qui permettra cette torsion du bassin grâce à laquelle la jambe libre se déploiera vers le nirvana des extensions acrobatiques. La conséquence : telle Atlas, la jambe de terre devra porter tout le poids du torse. Je soutiens que cette approche contredit Volkova qui, elle, prenait comme acquis le premier entre tous les principes : celui de la ligne d’aplomb. De fait, c’est autour du bassin et dans le dos que se situent des muscles structuraux, bien plus forts et surtout plus adaptés à porter le poids du corps. Ainsi, Volkova explique plus loin comment le danseur peut transférer le poids sans s’affaler « sur les deux pieds » : il faut être « sur sa jambe » et « travailler toujours à partir du centre du torse vers les extrémités, plutôt que de celles-ci vers le centre. » Or, les travaux scientifiques récents ne font que démontrer ce que nos aînés avaient déjà entrevu : la musculature de la jambe est pour ainsi dire « pensée » pour permettre l’action dynamique et non pour fonctionner - telle une poutre du bâtiment - comme appui structurel. Si l’on persiste à vouloir utiliser la jambe de terre comme une poutre, on en usera les articulations à force de l’obliger à accomplir deux tâches : la structurelle et la dynamique. D’où la remarque de Volkova sur le principe de moindre action (« économie ») : « Quel temps perdu à danser sur les deux pieds ! » Gaspillage et surmenage, si faciles à éviter, pour peu que le corps soit bien aligné autour de son centre, sur son axe. Dans la pensée de Volkova, ce principe de moindre action est une constante. En conclusion, pédagogues et danseurs, il nous faut lire avec une attention toute particulière les notes sur la technique qu’ont rédigées les maîtres des deux siècles passés car il se peut que nous méconnaissions le langage des fondamentaux que eux donnaient pour acquis ! Juin 2010
Cliché A. Meinertz